jeudi 26 janvier 2017

PEN DUICK III dans les Anglos



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Un après-midi glacial de novembre 1985, je croise sur les pontons du bassin Vauban, Arnaud, un vieux copain gérant  du Club Croisière Pen Duick.

-"Dis donc, cela te dirait de naviguer sur Pen Duick III ? "
- "Tu parle, j'avais son poster dans ma chambre d'adolescent!"
- " Tu es disponible le week-end prochain? J'ai un chef de bord qui m'a claqué dans les pattes et des stagiaires belges qui arrivent"
- "Mais, vendredi c'est demain. Bon c'est d'accord..."
Nous nous dirigeons en devisant vers le bassin Duguay Trouin où se trouve le bateau, à couple de Pen Duick VI.





Pen Duick III, en fin de saison, a besoin d'un sérieux coup de rajeunissement. Nous faisons le tour, ouvre les coffres, me montre les rangements. Entre deux phrases, il me glisse distraitement:
 - "J'ai un problème sur le moteur, il faudra s'en passer. mais je te sortirais du port en remorque de Pen Duick VI"
- J'objecte surement : " Oui, mais, il y a de la brise de prévue pour ce week-end "
- "Oh, tu sais, il est très évolutif. C'est seulement un peu plus long que les Brise de mer".

En effet, nous nous étions connu une dizaine d'années auparavant  en tant que chef de bord à l'école de croisière de Granville où nous naviguions sans moteur sur des Brise de Mer 31.

le lendemain, dans la soirée, les 4 stagiaires arrivent de Belgique. La bonne humeur est là nettement plus chaude que le vent de nord-est qui souffle sur le bassin... Durant la matinée du samedi, l'avitaillement est fait pour les trois jours de ce week-end de la Toussaint.

Les horaires du sas de l'écluse sont à midi. Comme prévu, Pen Duick VI me passe une remorque et les manoeuvres se passent sans difficulté. Deux des 4 équipiers  s'avèrent efficaces, je pourrais compter sur eux.

Vent dans le dos, la sortie du sas de l'écluse de St Malo est facile en envoyant juste la trinquette à l'aide d'un vieux enrouleur Goïot à cable.

Envoyer la grand voile et la misaine dès la sortie à la sortie du môle des Noires, du coté de Rance Nord est une formalité.  



Nous embouquons le chenal principal, au largue dans un vent de nord-est frais de force 6 à 7. Pen Duick allonge et, à l'estime,  dépasse surement les 10 noeuds.  La barre, franche, est équilibrée, c'est un plaisir de le barrer. Nous avons dépassé, le phare du Grand Jardin en route vers la bouée sud-ouest Minquiers. Pen Duick VI a pris plus de temps pour envoyer ses voiles et se trouve derrière nous à la hauteur de la tourelle verte du Buron.

Bien abrité sous ma capuche, tout en barrant, je me remémore alors, qu'à 15 ans, je dévorais la revue "Bateaux" qui relatait chaque mois les exploits de Tabarly et son équipage dans les courses du RORC: Channel race, Cervantes, Cowes Dinard... C'est simple, en 1967, il les gagnaient toutes. Aujourd'hui encore, je me souviens des posters qui ornaient ma chambre.

Il m'était inimaginable de penser que je naviguerais un jour sur ce voilier, de surcroît comme chef de bord et à la voile seule.

Avec le courant descendant, les Minquiers sont vite atteint, en un peu plus de 1 h 30. Cela doit bien faire 11 noeuds de moyenne. Et oui, nous naviguons à l'estime, nul GPS ou decca à bord.




Après la bouée suroit, nous lofons au cap 0°. En effet, le courant nous dépale maintenant dans l'ouest, aussi je préfère prendre du "gras" au vent.

Au prés débridé, le vent parait encore plus froid.

Bien abrité sous la "bijute" bienvenue, deux équipiers devisent, un autre semble moins à l'aise, un peu amorphe.

Au loin dans l'est, en mettant le nez dans le vent nous apercevons Jersey. Pen Duick passe les vagues en souplesse, sans taper, malgré ses bouchains. Pen Duick VI, sous toilé sous yankee et artimon, nous rattrape et nous distance; cela distrait les équipages un moment.
L'après-midi s'écoule et l'atmosphère s'assombrit. La nuit tombe vite en novembre et cela m'ennuie un peu.

Je commence à réfléchir à la manoeuvre d'arrivée à Guernesey.   De nuit, arriver à St Peter Port au portant, par force 7, cela ne s'annonce pas simple.

La nuit tombe, nous apercevons clairement sur bâbord, les Hanois puis le feu de la pointe St Martin.

J'explique à mes quatre stagiaires, doucement, la manoeuvre. Sortir les amarres, préparer la plus longue afin de l'envoyer à PD VI, affaler et ferler la misaine, effectuer la même chose avec la grand voile...

Abrités par Herm et Jethou, la mer se calme.
Mon idée est de terminer sous trinquette seule.

Je joins Arnaud sur le VI, alors en pleine manoeuvre d'affalage. Il me rappelle 5 mn plus tard alors que, voiles affalées, nous approchons de la jetée sud. Vite, trop vite à mon gré, sous la seule trinquette.

Il m'explique alors que du fait de l'orientation du vent  il fera des cercles au moteur dans l'avant-port afin de me lancer une amarre au vol et d'aller se mettre à couple d'un cargo à droite en rentrant. 

Humm! Cela ne me laisse pas grand marge d'erreur mais nous n'avons pas le choix. La Guinness commande.

Grand largue, surement à 7/8 noeuds, nous passons les jetées de St Peter. Je m'inquiète car, dans la nuit, j'ai du mal à identifier la coque noire de Pen Duick VI, ébloui par les lumières de la ville. Finalement, je l'aperçois devant à droite. Je fais affaler la trinquette, freine le bateau en donnant alternativement de grand coups de barre. PD VI arrive à notre hauteur, nous longe et envoie son amarre.

Comme des chefs, mes équipiers belges la passe comme il faut là où il faut. Et cela baigne.


Il était temps, nous longeons les voiliers mouillés dans l'avant-port.

Abrités par la jetée et un ferry, nous nous amarrons à couple de Pen Duick VI, lui même amarré sur un petit caboteur.

Bien à l'abri, dans le carré, nous nous jetons sur l'apéritif avant de diner d'une soupe de poisson et d'une paëlla.  L'ambiance est à la bonne humeur et tous pensent à leur sortie au pub.





L'équipage:  trois belges et deux marins d'avenir...


Mais une bière à Guernesey, cela se mérite, il faut tout d'abord, effectuer le parcours du combattant qui consiste à passer sur le pont de PD VI, puis sur celui du caboteur et enfin de grimper à l'échelle métallique du quai sur 8 à 10 mètres à marée basse.

Les équipages s'égayent, qui au "Albion", qui au "Royal Yacht Club". Mes belges regrettent leur "Gueuze". Je leur rappelle qu'il leur faudra descendre la fameuse échelle de quai au retour...





Le dimanche matin, au réveil, il apparait que le vent est,  comme prévu, toujours de 30 noeuds. Peut être a t-il pris un peu de "droite", vers l'est.

Vers 11 h, l'heure est venue de préparer notre manoeuvre. Arnaud m'a indiqué  que les 25 CV du moteur de PD VI étaient incapables de remorquer mon bateau en remorque avec un tel vent de face.
Nous n'avons d'autre choix que de sortir du port au louvoyage !

Nous commençons par laisser Pen Duick III dans le lit du vent en larguant les gardes et la pointe arrière puis envoyons la grand-voile . Nous terminons par la trinquette . Tout est étarqué, souqué.

Avec Arnaud, nous convenons de frapper une amarre sur l'arrière afin d'être certain de partir bâbord amure.

Les jeux sont faits, il faut y aller.

Cela se passe comme prévu. Encore abrité par le ferry, nous accélérons doucement avant de prendre un coup de gite lorsque nous quittons l'abri de la jetée. Dans 150 m, il va falloir virer. Deux équipiers aux écoutes, un autre au winch de grand voile qu'il faut choquer, particularité de PD III.

- " Paré à virer? "
- " On vire "

PD III s'exécute docilement. Cap vers le large, vers Herm.

Mais, avant de reprendre de la vitesse, il lofe presque face au vent. Je comprend immédiatement ce qu'Arnaud m'avait indiqué, il faut choquer la grand voile durant le virement et ne la reprendre qu'après que la vitesse soit reprise. Nous l'avons effectué, mais insuffisamment.

Presque arrêtés, nous culons. J'inverse rapidement la barre sur bâbord et le bateau reprend son cap. La trinquette et la misaine reprennent le vent, nous redémarrons en gitant.

L'extrémité de la jetée nord est parée à une vingtaine de mètres avant de revirer peu après dans le Petit Russel, et de débouler au reaching à 10 noeuds vers Grosnez.

Une heure et demi plus tard, le phare de Corbière est dans notre est, Green rock est donc paré et, avec un courant de 3.5 noeuds favorable, il ne nous reste plus que quelques milles au louvoyage vers St Hélier. Sur notre arrière, Pen Duick VI se rapproche.

Sous le vent de Jersey, devant Ste Brelade et St Aubin, abrités par l'ile, la mer est plate et capeyons entre la Hinguette et la Demie de Pas  en attendant que PD VI nous rattrape puis nous passe une remorque afin de rentrer dans le bassin où nous nous mettrons à couple le long du Victoria pier. Ce qui se passera sans la moindre difficulté.



Arnaud m'indiquera qu'il est sorti de St Peter à moins de 1,5 noeud à cause du fetch et du vent de face. Il a enregistré des rafales à 35 noeuds.

Les deux équipages se retrouvent autour d'une bière dans las salons feutrés du Yacht-Club de St Hélier.


Lire aussi Eric TABARLY en escale à Jersey


http://karibario.blogspot.fr/2017/01/eric-tabarly_31.html



Image illustrative de l'article Pen Duick III

Le lendemain, je me souviens seulement que lors du retour vers  St Malo nous nous sommes offert un crochet par la passe nord de Chausey et avons descendu le Sound sous voile...

J'effectuerais deux autres week-end suivants sur Pen Duick III, toujours sans moteur. On s'habitue, une fois passé la première fois.

En 1988, sur Pen Duick VI, j'ai aussi vécu un aller-retour mémorable à Guernesey lors d'un coup de vent. Pour monter à St Peter, 30 noeuds et une pluie battante dans le front chaud qui arrivait avec un équipage de 12 cadres de chez Axa dont une seule équipière a manifesté un dynamisme sans faille.

/Le retour vers St Malo s'est effectué au près à 9 noeuds sous yankee et artimon avec 40 noeuds de sud-ouest établis.  Dans les creux de seulement 3 m, certains chocs étaient impressionnants.

Et dire qu'en solitaire , Eric a traversé 5 dépressions et des vagues autrement plus fortes en juin 1976 lors de la Transat qu'il a gagné devant Mike Birch !  Nous avons été le seul voilier à naviguer ce week-end là. 

Une chose est certaine, ils en parlent encore chez AXA...







Lire aussi Eric TABARLY en escale à Jersey


http://karibario.blogspot.fr/2017/01/eric-tabarly_31.html



 





DPEN DUICK III 1967/1968 

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Dès sa mise à l'eau à Lorient,  Pen Duick III écume la Manche et remporte les sept courses habituelles du championnat du RORC (Royal Ocean Racing Race), club nautique britannique fondé en 1925, et principal organisateur de courses au large du Royaume-Uni dont la célèbre course du Fasnet ainsi que l'Admiral's Cup. 


Son sacre ? Sa victoire en temps réel sur la Sydney Hobart, qui incitera l'organisation anglaise à revoir son règlement et à le durcir pour les gréements goélettes, signant ainsi la fin de leur suprématie.









Pen Duick en 2016



Rapidement après sa mise à l'eau – le 3 juin 1967 – Pen Duick III participe aux épreuves de sélection de l'équipe française de l'Admiral's Cup à Saint-Malo. Sa carène à double bouchain montre toute suite ses atouts, malgré quelques erreurs de manœuvre du wishbone équipant la misaine à bordure libre. Moderne et performant, Pen Duick III domine ses concurrents français, Oryx de Francis Bouygues ou Gerfaut des frères Renot. Redoutable au près, il est intouchable au portant avec ses 320 m2 de toile pour un déplacement très léger de 12 200 kg. Le spectacle est au rendez-vous lorsque Pen Duick III est capable de planer à près de 15 nœuds, dans la brise.
Sa première course anglaise sera la Morgan Cup, un parcours triangulaire en Manche de 200 milles. Encore une fois, la goélette à la coque noire surpasse ses concurrents. Victoire qu'il poursuivre dans la Channel Race, la Gotland Race, Plymouth-La-Rochelle ou encore La Rochelle-Bénodet, avec en point d'orgue le célèbre Fastnet – longue de 600 milles et parmi les plus prestigieuses.
"Cette victoire est celle qui me touche le plus. Elle restera un souvenir ineffaçable pour mes équipiers et moi, comme le sera plus tard Sydney-Hobart" écrira Eric Tabarly dans Mémoires du Large.








Sydney-Hobart… Parlons-en justement… La mythique course australienne mais aussi la plus convoitée des courses des antipodes attire Eric TABARLY et son équipage. C'est donc avec ses 7 équipiers qu'il parcourt les 600 milles et remporte l'épreuve en temps réel le 30 décembre 1967 ! L'équipage – dont la moyenne d'âge est de 22 ans – est le plus jeune de l'histoire de la course à la remporter. À bord, on trouve bien évidemment Éric Tabarly, Philippe Lavat, Michel Vanek, Olivier de Kersauson, Pierre English, Patrick Tabarly Yves Gugan, Guy Tabarly et Gérard Petipas et qui sera le bras droit du célèbre marin.
La victoire est belle et les retombées médiatiques incroyables. L'édition du Paris Match du 13 janvier 1968 lui dédié sa couverture, mais aussi 18 pages en couleur pour revivre l'aventure de l'intérieur, grâce aux deux reporters embarqués. Les lecteurs y découvrent les images du départ, mais aussi le visage blessé d'Eric Tabarly, suite à la chute du tangon. Un impact sans précédent dans le monde de la course au large !
Malheureusement, à la suite de cette nette domination des français, les membres du RORC décident en 1968 de lourdement pénaliser le gréement goélette. Éric Tabarly décide donc de transformer le gréement de son Pen Duick III en ketch, cette même année puis en sloop avec un seul grand mât en 1971, mais ne connaître plus le succès de sa première année.
Eric Tabarly continue de naviguer à bord du Pen Duick III dans le Pacifique entre Los Angeles et Tahiti, dans l'atlantique sud entre Cape Town et Rio de Janeiro, en Méditerranée dans la Middle Sea Race ou en Floride pour les épreuves du SORC. Mais il passera le relais à d'autres skippers (E.Loizeau, V.Coste, P.Poupon) . 









Palmarès 1967

10-11 juin 1967 à Saint-Malo, 1er dans les deux régates de sélection de l'équipe de France pour l'Admiral's Cup
16 juin 1967 : Morgan Cup de Portsmouth vers Cherbourg et retour : 1er en classe I et II
4 juillet 1967 : Gotland Race (départ de Sandham – île de Gotland et retour) : 1er en classe I
2 août 1967 : Channel Race, 1er en classe I et toutes classes
10 août 1967 : Fastnet, 1er en temps compensé et en temps réel
13 août 1967 : Plymouth – La Rochelle, 1er
18 août 1967 : La Rochelle  Bénodet, 1er
27 août 1967 : Tour de l'île de Groix, 1er en classe I et toutes classes
26-30 déc. 1967 : Sydney – Hobart, 1er en temps réel et 2e en temps compensé derrière Rainbow car PD III a du mouiller 45 minutes à 40 milles de l'arrivée faute de vent.













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